La CNV, un chemin pour vivre la fraternité

Un mois et 8 jours après le départ de Marshall Rosenberg, son fondateur

et 20 ans après ma première rencontre avec lui et la Communication NonViolente

je découvre chaque jour un peu plus l’exigence intérieure et la pertinence de la démarche.

La ou les religions divisent, ou justifient la violence, la CNV met l’accent d’abord sur nos ressemblances, ce qui nous réunit en tant qu’êtres humains. J’ai eu la chance de le cotoyer de près et de le traduire pendant plusisurs années. Quand on lui demandait ce que c’était que la CNV, il répondait « franchement je ne sais pas ! »- et j’ai longtemps cru qu’il plaisantait.

Aujourd’hui, j’éprouve les mêmes difficultés. C’est un chemin vers soi qui permet de rejoindre l’autre. C’est une promesse d’être pleinement humain et de voir l’humanité de chacun.

Réécoutant certains de ses enregistrements, une de ses définitions m’a interpellée – je vous la livre telle qu’elle.

Il utilisait indifféremment le terme but ou intention ou spiritualité du processus, de plus en plus clairement dans les dernières années.

« Lorsque que l’on fait appel au processus de Communication NonViolente, le but est de créer une certaine qualité de connexion à soi même et à autrui qui permet que des échanges basés sur la compassion se mettent en place naturellement »

C’est cet ordre des choses qui m’a à nouveau interpellée : c’est d’abord cette qualité de la relation à soi, cette descente dans les profondeurs de soi même, qui va permettre l’émergence naturelle de la compassion ou de l’empathie pour autrui. C’est une nécessité pour le travail en équipe, et pour la relation d’accompagnement qui couvre un champ très large. A ce titre cela fait partie des compétences professionnelles qui feront l’objet d’un prochain article.

Les termes de spiritualité ou de compassion peuvent gêner, en milieu professionnel notamment. mais je crois qu’il faut l’oser, dépasser les pudeurs. Partout où j’interviens, dans le domaine social et de la santé,  je perçois cette soif de fraternité, de chaleur, de bienveillance. ET cette soif spirituelle. On parle maintenant des besoins sexuels des personnes handicapées, mais le sujet des besoins spirituels est encore tabou !

Thomas d’Ansembourg, disciple de Marshall Rosenberg, auteur reconnu et collègue très apprécié, parle d’éducation à d’intériorité citoyenne.

C’est le « Plaidoyer pour la fraternité » , d’Abdennour Bidour (Albin Michel, 2015) , qui m’a donné envie d’écrire cette petite note (avant de me lancer – enfin!- dans un livre). Tout ce qu’il dénonce, les questions qu’il pose  et les pistes qu’il donne,  trouvent des réponses dans la la pratique de la CNV.

Quand  Abdennour Bidour écrit

« Il me semble que nous sommes au temps de la reconnexion entre vie spirituelle et vie sociale » et plus loin

« Ce sens de la fraternité universelle est le plus difficile dans une éducation humaine. Comment éveille- t- on dans un coeur, dans une âme, la soif d’aimer le plus lointain comme son prochain ? Comment éveiller à l’amour désintéressé de tot autre être humain simplement parce qu’il est humain ? »

Marshall Rosenberg  répond par la pratique de l’empathie, par la prise de conscience de nos préjugés et un processus pour les transformer : « Tout nos jugement sont une expression tragique de nos besoins ». Le simple fait de traduire les jugements que nous portons sur autrui en besoins insatisfaits, ouvre un champ énorme, nous remet en mouvement vers l’autre. De même la précision du travail sur l’observation « qu’est ce qui me fait penser cela de l’autre ?  à quoi je vois çà ? » ouvre un espace qui donne envie d’aller voir ce qui se passe chez l’autre et permet de changer de regard.

Marshall Rosenberg nous invite à dépister nos images d’ennemi, à vérifier si nous en avons encore avant d’aller vers autrui. Et à demander de l’empathie pour la colère, le ressentiment ou les peurs que nous éprouvons.
A ce titre, c’est une forme de spiritualité laïque.
Un peu plus de deux mois après les attentats de Charlie et de l’Hyper casher, un mois après ceux de Copenhague, et les innombrables attentats au quotidien en Syrie, en Irak, en Lybie et dans tant d’autres pays
l’heure est venue de donner plus de place sociale et de faciliter l’accès aux  démarches intérieures, de connaissance de soi et de guérison des blessures. Sans ce travail de guérison réconciliation  la soif de vengeance ne peut s’éteindre. Vouloir se venger est un cri qui témoigne d’un besoin de  reconnaissance profonde des souffrances subies (lire aussi l’article sur le pardon)
La fraternité s’éduque, passe à la fois par  la connaissance de soi, et le développement de l’empathie.
Je terminerai par la devis favorite de Marshall Rosenberg « Empathie avant éducation ».
Comprendre d’abord ce qu’il y a de plus humain en l’autre, les besoins qu’il tente de satisfaire par des stratégies que nous désapprouvons avant de vouloir qu’il en change.

 

Solidaires

Réseau CNV Charlie bis

Aujourd’hui plus que jamais, apprendre à exprimer un désaccord autrement qu’en tuant,  est une nécessité vitale pour nos sociétés, pour la démocratie, pour sortir de l’engrenage des stigmatisations et de la violence. C’est la base du travail de Marshall Rosenberg et de notre travail en Communication NonViolente.

Nous, formateurs en Communication NonViolente ré – affirmons notre engagement à diffuser le plus largement possible les valeurs et la pratique de la CNV – à donner à chacun les moyens de s’exprimer, d’être reconnu, de s’affirmer dans sa différence, et de voir celle de l’autre comme une richesse et non comme un danger.

 

 

 

Découvrir la Communication NonViolente, mardi 24 juin 2014, 19h-21h

lecentretoutnaturellement

Voici une occasion de découvrir la Communication NonViolente, et de me rencontrer en dehors d’un stage – moi qui ne donne pas souvent de conférence ces temps ci !

Pas d’inscription nécessaire, mais venez à l’heure, car le centre ferme à 21h.

Et si vous voulez vous détendre avant, c’est un lieu idéal pour un sauna, un massage – tel 0142 85 70 58

Soirée découverte de la Communication NonViolente (CNV)

« Prendre soin de soi pour mieux prendre soin des autres »

Mardi 24 juin 2014, 19h-21h

Au Centre Tout naturellement,

83 bis rue Lafayette- 75009 Paris, métro Cadet ou Poissonnière

avec Pascale Molho, Michelle Guez et Catherine Gunther

S’exprimer d’une manière qui augmente les chances d’être entendu
Développer l’empathie et l’authenticité dans la relation d’accompagnement :
écouter et poser des limites dans le respect de soi et des autres

Prendre soin de soi en tant que professionnels :
prévention de l’épuisement, gestion des situations difficiles et du stress

Pardonner est un résultat

Approcher la notion du pardon avec l’aide de la Communication non violente (CNV)

Si l’intention de vouloir pardonner nous habite, notamment en tant que chrétien, parce que nous avons conscience de son pouvoir libérateur, elle peut être source de violence s’il n’y a pas. en parallèle véritable reconnaissance de ce qui a été blessé. Pour Marshall Rosenberg, créateur de la Communication non violente (CNV*), cc le pardon ne se décrète pas, c’est le fruit d’un processus d’empathie. Quand chacun s’est senti suffisamment entendu dans sa souffrance et compris dans ses besoins les plus profonds, il n’y a plus rien à pardonner». 

pardonner est un resultat - pascale molho

« EN NOUS APPRENANT À RECONNAÎTRE NOS BESOINS ET CEUX D’AUTRUI, LA DÉMARCHE DE LA CNV NOUS OUVRE À D’AUTRES MANIÈRES DE LES SATISFAIRE »

Le pardon ne se décrète pas veut dire que nous ne pouvons pas exiger de nous-même de pardonner, ni de l’autre qu’il ou elle nous pardonne. La CNV nous met en garde vis-à-vis de  toutes les formes d’exigences « Il faut pardonner, tu dois ou je dois pardonner » qui ne respectent pas le rythme et les étapes de la guérison. Nous avons d’abord besoin d’une reconnaissance sincère et profonde de la blessure qui a été réveillée en nous. C’est ce que recouvre le terme d’empathie : une présence totale à ce que ressent la personne dans le moment présent, et à ce qui est en jeu pour elle (ses besoins, ou aspirations), sans aucune intention de lui faire de remontrances.

Par exemple, nous pouvons avoir besoin de partage, de reconnaissance, de confiance, de réalisation, de communion… Admettre le caractère universel des besoins et avoir conscience que chaque être humain fait de son mieux à chaque instant pour satisfaire des besoins (c’est un des postulats de base de la CNV), contribue à notre capacité d’empathie, de compassion – sans pour autant chercher à se justifier. En nous apprenant à reconnaître nos besoins et ceux d’autrui, la démarche de la CNV nous ouvre à d’autres manières de les satisfaire, parfois moins nuisibles pour autrui et pour nous-même que celles que nous utilisons souvent par réflexe. Quelque chose se transforme en profondeur, naturellement.

J’illustrerai ci-après successivement l’étape :

-où la souffrance de la personne blessée est reconnue

-où le pardon s’accorde naturellement, en conséquence d’un certain cheminement.

par le biais de l’histoire d’un couple, Frédéric et Elisabeth, venus au décours d’un voyage pendant lequel Frédéric a passé beaucoup de temps avec les autres femmes du groupe, et plaisanté avec elles. Même après lui avoir exprimé son désarroi, elle ne voit pas le comportement de son compagnon changer véritablement et sa jalousie grandit. Je la verrai seule dans un premier temps et les premières séances sont consacrées à écouter sa colère et sa tristesse de s’être vue quémander de l’attention. Peu à peu émergent ses besoins de partage, confiance, intimité. Elle lui propose ensuite une séance commune, dont voici quelques extraits :

1) L’étape où la blessure vécue est reconnue par une écoute empathique

La compréhension intellectuelle de la blessure ne suffit pas. Un « Je te prie de m’excuser » est trop superficiel. C’est l’acte d’écouter qui va  démontrer notre intention de nous faire pardonner. Nous pouvons avoir d’abord besoin de nous pardonner à nous-même avant d’être dans cette disponibilité pour l’autre.

Dans le cas de ce couple, Frédéric (F), ayant pris la mesure de la souffrance de sa compagne Elisabeth (E), était d’accord pour commencer par l’écouter, avec mon aide. Le cadre avait été posé : tour à tour ils se donneraient un «accusé de réception» (ou reformuleraient ce qu’ils avaient compris), pour que chacun se sente compris

E : «Quand je repense à notre voyage à Bali, je suis profondément ébranlée, car je m’attendais à ce que nous passions la plus grande partie du temps ensemble, pour nous retrouver. Or, tu étais le plus souvent avec d’autres. Depuis je suis pleine de doutes sur ton amour. Tu veux bien me dire comment tu comprends ce qui a été si dur pour moi ? »

F : «Je comprends que le fait que j’aie passé beaucoup de temps avec les personnes du groupe, en particulier des femmes, t’a blessée, car tu t’attendais à ce que je reste tout le temps avec toi. Tu te demandes si je t’aime vraiment, c’est ça ? »

E : «Oui, j’ai des doutes, j’ai besoin d’être rassurée sur l’amour que tu me portes. Nous retrouver était l’intention de notre voyage, t’en souviens-tu ? c’était humiliant pour moi que tu sois la plupart du temps avec les autres femmes, j’ai besoin d’attention, de sentir que notre relation est une priorité. »

F : « Oui, j’entends que tu t’es sentie humiliée, que tu avais besoin de considération, de tact, et aussi de sentir que notre relation est aussi une priorité pour moi ? »

E, émue : «Oui, c’est tout à fait ça – et puis je n’arrive pas à te comprendre…» F : «Tu aimerais comprendre ce qui s’est passé pour moi ?

E : «Oui, d’autant que ce n’est pas la première fois que je te vois ainsi avec d’autres, quand nous sortons ensemble.»

F : « Te sens-tu disponible pour m’écouter à ton tour ? »

E : « Oui. »

(Vient à présent l’étape où F «fait le deuil » de son comportement)

F : « Je suis ému de prendre la mesure de ce que tu as vécu pendant ce voyage et que ça a été une humiliation pour toi, et je suis triste de ne pas l’avoir compris pendant le voyage, j’aurais aimé t’épargner cette épreuve… »

 

A ce stade, après nous être senti(e) profondément compris (e), nous pouvons tourner notre regard vers l’autre, parce que nous avons envie de saisir ce qu’il se passe pour lui/elle.

 2) Pardonner à autrui – accorder son pardon, survient pendant que l’on se met à l’écoute de ce qu’il s’est passé pour l’autre

F : « Mais j’étais tout excité pendant le voyage ! J’aime rencontrer les autres. C’est vrai que l’on y allait pour se retrouver, mais on avait du temps pour nous le soir et le matin dans la chambre. »

E : « Si je comprends bien, pour toi, quand nous sommes en voyage, c’est important de profiter de la présence des autres personnes»

F : « Oui, j’ai besoin de partage. Tu trouves ça bien, les couples repliés sur eux ? »

E : « Tu as à cœur que les personnes seules se sentent incluses ?

F : « Oui, et je trouve que nous n’échangeons pas beaucoup quand nous sommes ensemble, j’ai un peu l’impression que tu veux m’accaparer… »

E (après un temps de silence pour accueillir l’émotion suscitée par cette parole: « Tu aimerais que les moments passés ensemble soient nourrissants, pas juste destinés à me rassurer ? »

F : « Oui,  plus je captais ton insécurité et ta jalousie, plus ça m’éloignait de toi ! »

E (touchée) « c’est vrai que j’ai besoin d’être rassurée, quand je te vois au milieu de toutes ces femmes. Comment croire que je compte plus qu’elles ? Mais je peux comprendre que tu ressentais de la pression, et que tu ne voulais pas renoncer à ta liberté, c’est ça ? »

F : « Oui, j’ai très peur de perdre ma liberté… »

(Silence mutuel)

F : « Et puis je trouve que l’on ne se parlait pas forcément, quand on était assis l’un à côté de l’autre. »

E : « C’est vrai. Mais même en silence, ça a du sens d’être assis à côté, pour laisser émerger la rencontre entre nous. Tu ne crois pas ? »

F : « Si, cela me parle. »

……………

Peu à peu, chacun(e) a pris conscience de ses blessures, de la nécessité d’en prendre soin pour dégager l’autre de la responsabilité de pallier à tout. Elisabeth a pu travailler son insécurité, son manque de confiance en elle. Frédéric de son côté a pu voir son ambiguïté dans sa relation aux femmes, sa peur d’être enfermé dans son couple. J’insiste sur l’importance de s’en donner le temps et les moyens nécessaires. J’ai vu trop de couples se séparer après des années, parce que l’un(e) qui croyait avoir pardonné l’infidélité de l’autre, par exemple, était resté(e) profondément meurtri(e) dans sa confiance.

Dans le couple, le chemin de pardon est chemin de rencontre. L’empathie que nous offrons à celle ou celui que nous avons blessé(e) nous permet de voir sa réalité profonde, par-delà les critiques ou les reproches qu’il ou elle a pu nous adresser. L’empathie que nous recevons de celle ou celui à qui nous avons fait mal sans le vouloir nous aide à mieux nous comprendre, sans tomber dans une culpabilité enfermante. Au bout du compte, on se rapproche de la beauté et de la fragilité de chacun(e).

1- Dénouer les conflits par la Communication NonViolente, Marshall Rosenberg et Gabriele Seils, Ed. Jouvence

Pascale Molho (pascalemolho.com) est membre de l’Association pour la Communication NonViolente (ACNV) site web nvc-europe.org